— Retournez, habitez, vivez, reconstruisez, c’est quoi cette histoire ! MP Taro Yamamoto

Nos Voisins Lointains 3.11

Taro YAMAMOTO

12/12/2016|

Taro YAMAMOTO, du parti libéral, est membre de la Chambre des conseillers. Il est un des rares membres parlementaires qui défendent les droits des victimes de l’accident de la centrale nucléaire de TEPCO Fukushima Daiichi.

L’association Nos Voisins Lointains 3-11 a traduit les questions de Taro YAMAMOTO à la Commission spéciale de reconstruction de la Chambre des députés au 18 novembre 2016*. Le contenu de ses questions révèle la situation inhumaine à laquelle sont confrontées les victimes dans le cadre de la politique de retour du gouvernement japonais.

Le vidéo des questions de Taro YAMAMOTO (en japonais).

 

  • Taro YAMAMOTO

Je vous remercie. Je suis Taro YAMAMOTO du parti libéral. Je voudrais poser des questions en tant que représentant d’un groupe parlementaire.

Décrété le 11 mars 2011, l’état d’urgence nucléaire n’est pas encore levé à ce jour, 5 ans et 8 mois depuis l’accident à la centrale nucléaire de TEPCO Fukushima Daiichi. Aujourd’hui, je vais aborder un sujet connu parfaitement par Mesdames et Messieurs les Députés ici présents.

Je vais commencer par le sujet de la zone contrôlée de radioactivité. Il s’agit de la zone délimitée fréquentée par des travailleurs possédant la connaissance professionnelle, exposés aux risques liés aux rayonnements ionisants, telle que une salle de radiographie, un laboratoire de recherche, une centrale nucléaire, etc.

Voici ma question. Il y a des règles qui s’appliquent aux zones contrôlées de radioactivité, n’est ce pas. Peut-on y manger et boire ?

  • Expert du gouvernement (Seiji TANAKA)

Voici la réponse. Suivant l’ordonnance sur la prévention des risques liés aux rayonnements ionisants**, il est interdit de manger et boire sur les lieux de travail où existe le risque d’assimiler des substances radioactives par voie orale.

  • Taro YAMAMOTO

Bien entendu, il est interdit d’y boire ou manger. Donc, il est évident que ce n’est pas possible d’y passer la nuit, n’est ce pas ? Même pour les adultes, il n’est pas permis d’y demeurer plus de 10 heures.

Vous connaissez bien l’existence de l’ordonnance. Il s’agit d’une règle à respecter afin de protéger les travailleurs exposés aux risques liés aux rayonnements ionisants dans des établissements tels que les hôpitaux, les laboratoires de recherche et les centrales nucléaires, n’est ce pas ?

On y trouve la définition de la zone contrôlée de radioactivité. Il s’agit de l’article N°3 de l’ordonnance dans le dossier N°1.  On peut y lire que si la situation correspond soit à la définition décrite dans l’article 3/1 soit à celle précisée dans 3/2, la zone est considérée comme zone contrôlée, et qu’il faut y poster un panneau de signalisation. Je vais lire les parties 1 et 2 de cet article.

1 : la zone dans laquelle le total de la dose effective due à la radiation externe et celle due aux substances radioactives dans l’air risque de dépasser 1,3mSv par trimestre – sur une durée de trois mois ! On appelle la zone « la zone contrôlée de radioactivité » lorsque la dose atteint 1,3mSv sur une durée de trois mois.

Dans la partie 3/2, on réfère à la densité à la surface dans le tableau attaché.

Voici le dossier N°2. Quelle sera-t-elle si on fait la conversion de la densité à la surface par m2 ?

  • Expert du gouvernement (Seiji TANAKA)

La conversion donne 40 000Bq/ m2.

  • Taro YAMAMOTO

Ainsi, avec 40 000Bq/ m2, la zone est classée comme « zone contrôlée de radioactivité ». Il faut donc bien surveiller non seulement la radioactivité dans l’air mais aussi la contamination de surface, c’est-à-dire la dose au sol des substances radioactives, autrement dit les autres éléments existant dans l’environnement, et gérer la zone délimitée afin de protéger les travailleurs des risques liés aux rayonnements, n’est ce pas ?

La zone contrôlée de radioactivité est définie à la fois par le débit de dose de la radioactivité ambiante et par la densité à surface des substances radioactives. Le point est que le risque dans une situation où les substances radioactives sont dispersées est tout à fait autre que celui dans la situation où les sources de rayonnement sont bien identifiées et gérées.

Or, actuellement l’ordre d’évacuation appliqué aux zones d’évacuation suite à l’accident de la centrale nucléaire est levé lorsque le débit de dose de radioactivité ambiante devient inférieur à 20mSv/an.

Voici ma question. Concernant la contamination, en dehors du débit de dose de radioactivité ambiante, y a-t-il des conditions à tenir compte pour lever l’ordre d’évacuation ? Veuillez répondre par un oui ou un non.

  • Expert du gouvernement (Takeo HOSHINO)

Voici la réponse.

Concernant les conditions nécessaires pour la levée de l’ordre d’évacuation, quant aux mesures de radioactivité, il n’y a que la certitude que le cumul annuel de débit de dose de radioactivité ambiante soit inférieur à 20mSv.

  • Taro YAMAMOTO

Vous n’avez pas compris. Je vous ai demandé de répondre par un oui ou un non. Y a-t-il d’autres conditions que le débit de dose de la radioactivité ambiante ? Pour lever l’ordre d’évacuation en dessous de 20mSv/an, quelles sont les conditions concernant la contamination?

Le fait est que concernant la contamination, il n’y a pas d’autres conditions que le débit de dose de la radioactivité dans l’air. C’est anormal. Vous, qui appartenez à cette Commission comprenez certainement à quelle mesure cette situation est anormale. Dans la définition de la zone contrôlée de radioactivité, en dehors de débit de dose de radioactivité dans l’air, on tien compte des substances dispersées puis déposées, c’est-à-dire de la contamination dans le sol etc., ce qui fait que le critère de 40 000Bq/m2 est établi pour la contamination à surface. Cependant, dans le cadre de la politique de retour pour faire revenir les populations aux territoires où le débit de dose cumulé annuel est inférieur à 20mSv/an, la condition de contamination de sol n’est pas considérée comme nécessaire. Cette dernière ne constitue pas un critère d’évaluation, le seul critère étant le débit de dose de la radioactivité ambiante. Les politiciens et les fonctionnaires qui considèrent cette situation régulière ne méritent pas de recevoir les salaires payés à partir des recettes des impôts. Notre travail est de protéger la vie et la propriété du peuple. Or, vous allégez les conditions. Vous créez à votre gré une règle moins rigoureuse que celle appliquée aux travailleurs possédant la connaissance professionnelle de la radioactivité. Que faites vous !

Suite à l’accident de Tchernobyl, des lois ont été établies en Russie, en Biélorussie et en Ukraine, et on y mesure à la fois le débit de dose de radioactivité dans l’air et la contamination du sol. Pourquoi ? Cela va sans dire. C’est parce que c’est difficile de saisir la quantité d’irradiation subie par la population seulement avec les mesures de la radioactivité ambiante. En Ukraine, avec 5mSv/an, mesure correspondant à celle de la zone contrôlée de radioactivité, la population est évacuée, et même avec 1mSv/an qui correspond à la limite du débit de dose moyen pour le public, les habitants ont le droit d’évacuer. Cette loi dite loi Tchernobyl est encore en vigueur.

En revanche, quelle est la situation au Japon ? Selon la décision du Cabinet du mois de juin 2015, l’ordre d’évacuation est levé si le débit de dose dans l’air est inférieur à 20mSv/an. Il n’y a pas de problème ! A titre d’exemple, si on demeure 24h dans une zone contrôlée de radiation, on est exposé à la dose de 5,2mSv/an. Or, le critère de la levée de l’ordre et du retour de la population est de 20mSv/an ou moins. Le zonage est déterminé par la dose 4 fois supérieure à celle de la zone contrôlée de radioactivité. Retournez, habitez, vivez, reconstruisez, c’est quoi cette histoire ! Je ne peux trouver d’autre expression que « complètement tordu». Peut on encore appeler ça l’État ? Je pense qu’il vaut mieux l’appeler la mafia. C’est tellement inhumain !

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